La littérature de jeunesse : qu’en pensent les étudiant·e·s en formation initiale de la HEP Vaud ?

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De la dentelle de papier

Un décor bleuté, des ombres sur le sol enneigé et à l’arrière-plan, les lueurs orangées d’un petit village. Il fait nuit. Il fait froid. La tempête souffle les flocons qui s’engouffrent dans les cheminées dans lesquelles le feu crépite. Une invitation à la poésie toute en finesse. De la dentelle de papier transporte le lecteur dans un monde de rêves qui lui raconte des histoires.

Camille Garoche, autrice – illustratrice

Camille Garoche, l’autrice - illustratrice nous invite à entrer dans ses illustrations comme on va au théâtre. Chaque détail du décor est dessiné au trait fin. Le décor a une place importante dans les illustrations et de ce point de vue, on peut le voir comme un personnage de cette histoire. Les couleurs sont choisies avec parcimonie et guident le lecteur vers des éléments importants de l’illustration. L’autrice - illustratrice française prépare chaque illustration comme des tableaux découpés qu’elle met en scène avec patience. Puis vient le moment de la prise de vue et de la mise en lumière ; l’appareil photo capture cet instant, cette lumière, cette histoire. C’est à partir de ces photographies que l’album est créé. Camille Garoche a réalisé plusieurs albums avec cette technique. Cependant, elle crée des illustrations avec d’autres techniques plus traditionnelles.

Après une enfance dans le Sud-ouest de la France, Camille Garoche se dirige vers des études d’arts appliqués « avec application » comme elle le soulève sur son site internet. Après avoir illustré une trentaine d’albums jeunesse, elle a décidé de créer ses propres histoires.

Par ailleurs, certains de ses tableaux en papier découpé ont également été exposés au MEG, Musée d’ethnographie de Genève, lors de l'exposition La fabrique des contes de mai 2019 à janvier 2020.

Fox’s garden, muet mais bavard en détails

 

© Camille Garoche, Fox’s garden, Editions Métamorphose

Le livre sans parole Fox’s garden de Camille Garoche est réalisé avec la technique décrite ci-dessus : des découpages mis en scène. Il a été édité par Les Éditions Soleil dans la Collection Métamorphose en 2015. La particularité de cet album jeunesse est qu’il est muet, sans texte. Les illustrations sont les seules à nous raconter l’histoire. Notre capacité à lire les images et notre imagination font le reste.

Un renard rôde près d’un village. C’est la nuit et une tempête de neige se déchaîne. Après s’être fait chasser par des villageois, il trouve un abri dans un jardin d’hiver rempli de belles fleurs. Un enfant a aperçu le renard rentré dans sa cachette. Il part retrouver l’animal avec quelques provisions… Il y aura rencontre, respect mutuel et qui sait, peut-être est-ce le début d’une amitié ? Cette rencontre, dans un style Petit prince en hiver, nous invite à la douceur et à la chaleur dans ce décor glacé.

© Camille Garoche, Fox’s garden, Editions Métamorphose

Des pistes pédagogiques

Cette poésie dans le travail de Camille Garoche nous a séduits et nous avons eu l’envie de partager notre plaisir avec nos élèves.

Les livres sans parole ont l’avantage de laisser une place importante à la « pensée créative ». Chacun met en mot l’histoire avec son bagage lexical plus ou moins étoffé. Cependant les illustrations guident le lecteur ou la lectrice      vers une interprétation commune de l’histoire. Avec ce genre littéraire, il est peut-être plus compliqué pour l’enseignant·e de préparer une séquence avec un livre sans texte sur lequel prendre appui. C’est peut-être l’occasion de se lancer dans une analyse de l’image.

Avec Fox’s garden, l’enseignant·e peut amener ses élèves (premier et deuxième cycle) à formuler des hypothèses et confronter les idées de chacun. « Pourquoi le petit garçon suit le renard ? » ou « Normalement les renards vivent dans un terrier ; pourquoi pensez-vous qu’il vienne ce réfugier dans le village ? ». Cette étape permet de clarifier la compréhension du récit, de donner de l’importance aux images qui racontent et qui portent le récit.

Par la suite, un travail de production de texte peut être fait. Au premier cycle, l’histoire peut être écrite en dictée à l’adulte, mais également travaillée en production orale sur la base du langage parlé des élèves. On peut également imaginer enregistrer la production des élèves et faire un livre audio en projet numérique.

Au deuxième cycle, selon l’âge et le niveau d’écriture des élèves, on peut donner comme tâche la production de texte, en individuel ou un texte commun à la classe. Il peut s’agir également d’une production de fin de séquence sur la complémentarité du texte et de l’image dans l’album jeunesse. C’est également un moment permettant la confrontation des idées et des interprétations des élèves.

Cet album peut également être exploité en AVI. On peut aborder les notions de plans et de cadrage. De plus, la technique de papier découpé peut être réalisée en classe dès la fin du premier cycle. En individuel ou en petits groupes, les élèves créent leur décor dans une boîte, comme celle à chaussures par exemple. En liant ce projet visuel à la prise d’images avec l’appareil photo ou Ipad, les élèves peuvent ainsi vivre toutes les étapes de création de Camille Garoche. La prise de photographies faisant partie des objectifs du cahier MITIC, en cela, ce projet en classe fait sens car il est interdisciplinaire.

Photographie d’un travail d’élève de 4H réalisé en AVI.

 

D’autres livres sans parole

Les mêmes objectifs de français, production de l’oral et de l’écrit, peuvent être travaillés avec d’autres livres sans parole. En voici une petite sélection :

Le voleur de poule de Béatrice Rodriguez est une histoire d’amour et d’amitié sur un ton humoristique. Les illustrations figuratives sont stylisées et expressives. Nous sommes dans un autre registre que Fox’s garden, même si un renard fait partie des deux histoires. Cet album sans texte se prête mieux à la production de discours directs et aux dialogues, grâce à ces cinq personnages principaux.

Le parapluie jaune de Ryu Jae-Soo est un livre sonore sans texte. Les pages se tournent sur une composition au piano ou sans elle. Vu du ciel, un jour de pluie, le lecteur suit le parapluie jaune. Celui-ci avance sur son chemin et rencontre d’autres parapluies. Ils poursuivent leur route jusqu’à leur destination… En plus du travail en production de texte, le travail du repérage dans le plan et dans l’espace (MNS 11- 21 et SHS 11- 21) peut être travaillé dans les deux premiers cycles. Un travail en arts visuels peut également être envisagé. Les illustrations faites à la peinture peuvent inspirer un projet sur les contrastes (tons pastels - couleurs saturées) ou comment peindre la pluie.

 

 

Par Aurélie Reymondin & Clément Bugnon, aurelie.reymondin@etu.hepl.ch, Etudiante et étudiant de 3e année, en formation initiale à la HEP Vaud

 

 

Les références des livres :

Garoche, C. (2015). Fox’s garden. Paris : Edition Soleil.

Jae-Soo, R. (2008). Le parapluie jaune. Namur : Mijade.

Rodriguez, B. (2005). Le voleur de poule. Paris : Edition Autrement.