Philosophons avec nos enfants !

, ,

En ces temps troublés, prenons le temps de philosopher avec nos enfants, offrons-leur des oasis de lecture et de pensée.

Aimer les histoires, aimer se plonger dans les mondes de l’imaginaire est universel. Toutes les civilisations inventent des récits qui ont pour fonction, à la fois de nous divertir de la réalité (de nous amuser, de nous aider à oublier nos soucis…) mais aussi, au contraire, de mieux donner sens à notre expérience de la vie. Car il n’y a pas d’âge pour se poser des questions philosophiques et, très jeunes, face une expérience humaine fondamentale qu’on appelle « l’étonnement devant le monde », les enfants nous interpellent sur la condition humaine et les relations sociales.

La lecture d’albums instaure une bonne distance pour aborder avec délicatesse et humour les grandes questions que l’enfant se pose et l’aide à résoudre ses peurs. Les livres sont comme des amis : ils nous font voyager mais nous aident aussi à grandir, à mettre des mots sur nos émotions, à mieux les apprivoiser.

Faut-il se ressembler pour s’aimer ?

Aimer ne se conjugue pas à l’impératif ! On ne peut pas m’ordonner d’aimer ou non quelqu’un. Les sentiments ne se commandent pas. Mais pourquoi tombe-t-on amoureux ? À quoi reconnaît-on qu’on est amis ? Et faut-il se ressembler pour s’aimer ? L’amitié et l’amour peuvent bien sûr transcender les différences particulières, notamment les origines sociales, les religions ou l’âge (comme Roméo et Juliette ou Charlotte et Chien bleu), mais en même temps ces relations humaines, fortes, rares et précieuses, demandent aussi un certain nombre d’affinités. Trop d’antagonismes peuvent empêcher une réelle relation de se construire. Quelles différences ne comptent pas ou ne devraient pas compter alors pour s’aimer ? Quelles sont celles qui peuvent avoir de l’importance ? Lors des discussions, les enfants peuvent ainsi être amenés à penser que si la couleur de peau, le sexe ou l’origine sociale ne devraient pas compter, certaines diversités peuvent empêcher une réelle complicité : les goûts ? les valeurs ? la façon de voir le monde et de se comporter ? Pour s’aimer, ne faut-il pas, quand même, partager un certain nombre de références et de principes communs ?

Ces discussions avec les enfants permettront à la fois d’affiner avec eux les définitions de l’amitié et de l’amour mais aussi d’interroger les notions de respect des divergences (jusqu’où ?, à quel point ?), de tolérance (là aussi, jusqu’où et à quel point pouvons-nous être tolérants ?), de la complémentarité des cultures, des sexes et des convictions.

Qu’est-ce que l’amitié ?

Chien bleu , de Nadja

Chien bleu de Nadja de l'école des loisirs sur Vimeo.

« Charlotte a un ami qui n’est pas comme les autres. C’est un chien au pelage bleu et aux yeux verts brillants comme des pierres précieuses. Il vient la voir tous les soirs. Charlotte aimerait le garder mais sa maman s’y oppose. C’est alors qu’elle se perd dans la forêt.»

Faut-il se ressembler pour s’aimer ?

Le philosophe grec Platon recommandait d’organiser des banquets pour philosopher. La philosophie peut être une activité très conviviale où l’on prend du plaisir à penser et à réfléchir ensemble autour d’un bon repas. Nous pouvons donc organiser des « goûters philo » autour de gâteaux, de jus de fruits ou de chocolat chauds !

À partir de la lecture de l’album, structuré comme un conte de fées symbolisant la lutte entre les forces inconscientes du bien (Charlotte, Chien bleu) et du mal (la panthère noire), l’album raconte une amitié qui transcende les discordances.

Un jour, assise au soleil devant sa maison, Charlotte voit apparaître un chien au pelage d’un bleu éclatant. La mère de Charlotte se méfie de ce mystérieux étranger et interdit à sa fille de le revoir. Pourtant celui-ci sauvera la petite des griffes de « l’esprit des bois », une panthère noire et sauvage. Reconnaissants, les parents de Charlotte finiront par accueillir l’animal. Cette histoire magnifique, aux illustrations flamboyantes, célèbre toutes les amitiés qui savent défier les préjugés.

Au fur et à mesure de la lecture, on peut se poser les questions suivantes :

Pourquoi la maman se méfie-t-elle du chien bleu ?
Que pensez-vous de son attitude ? Sa méfiance est-elle fondée ?
Pourquoi Charlotte et Chien bleu deviennent-ils amis quand même ?
Pourquoi Chien bleu va-t-il rester pour toujours ?
Peut-on être complètement différents et être amis malgré tout ?
Quelles différences ne comptent pas pour s’aimer ? Pourquoi ? (âge, couleur de peau, caractère, sexe, origine sociale ?) Quelles différences peuvent compter ? Pourquoi ?
Peut-on avoir des goûts très différents et être amis quand même ? Pourquoi ?
Peut-on avoir des caractères très différents et être amis quand même ? Pourquoi ?
À quoi reconnaît-on qu’on est ami avec quelqu’un ? Jusqu’où peut-on aller par amitié ?
Qu’est-ce que ça veut dire « aimer » ?

Idées d’activités

  • Fabriquer une guirlande : « La ronde des animaux bizarres »

Réalise une guirlande avec des animaux aux couleurs les plus étonnantes les unes que les autres (un pingouin mauve, un éléphant rose, un chat vert par exemple).

  • Faire un dessin en s’inspirant d’un tableau célèbre

À la manière de la double page de Chien Bleu qui s’inspire d’un tableau très célèbre (Le déjeuner sur l’herbe de Manet), choisis un tableau que tu aimes (un Picasso, un Léonard de Vinci, un Van Gogh par exemple) et dessine une scène en t’inspirant de ce tableau.

  • Écrire un conte de fées en suivant bien la recette !

Chien bleu est construit comme un conte de fée, avec une héroïne (Charlotte - comme Cendrillon ou Blanche-neige), un personnage qui protège le héros ou l’héroïne (Chien bleu - comme la marraine de Cendrillon ou la fée bleue de Pinocchio), des parents qui ne sont pas toujours très gentils (comme dans Cendrillon ou Le Petit poucet), une épreuve à traverser (dans une forêt sombre – regardez d’ailleurs comme Charlotte peut faire penser au Petit Chaperon rouge quand elle se rend compte qu’elle est perdue dans les bois…), un personnage dangereux ou un monstre à combattre (la panthère noire - comme les ogres ou les loups) et une fin heureuse (quand l’héroïne rentre à la maison).

On peut donc s’amuser à écrire et à dessiner une histoire en suivant ces « ingrédients » du conte de fée :

Un héros/une héroïne
Un personnage qui le/la protège
Un parent méchant
Un monstre effrayant
Une épreuve à traverser
Une fin heureuse

 

Ces pistes de réflexion philosophique ont été réalisées par Edwige Chirouter, Maitre de Conférences. HDR. Université de Nantes. ESPE Le Mans (CREN). Philosophie. Titulaire de la Chaire UNESCO/U. de Nantes, « Pratiques de la philosophie avec les enfants, une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale ».

 

Chronique publiée le 5 juin 2020

 

Cette chronique est extraite de la rubrique « Philosophons avec les enfants sur l’école des loisirs à la maison ». Nous remercions l'auteure, Edwige Chirouter, ainsi que Nathalie Brizac, directrice de la communication aux éditions l’Ecole des loisirs, de nous avoir permis de reproduire des extraits de l'article, publié dans son entièreté ici.