Le Kamishibaï, un dispositif flexible au service de la créativité de chacun

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Du théâtre d'ombres au kamishibaï

 

Je suis conteur et dessinateur. J'ai eu l'occasion de réunir mes deux pratiques artistiques lors de la réalisation de spectacles de théâtre d'ombres. En 2013, après plusieurs créations, j'étais à la recherche d’un dispositif plus simple qui associait l’image à la narration. Je me suis alors intéressé au Kamishibaï, littéralement théâtre en papier. Une technique de narration originaire du Japon, qui mélange images et oralité. Pour cela, j'ai illustré plusieurs histoires et interprété deux spectacles intitulés « Kamishibaï, Contes et fables de Méditerranée » et « Kamishibaï, Contes Italiens ». Ces spectacles ont été joués dans des écoles, des bibliothèques, des maisons de quartier et des festivals.

 

Le format ?

J'ai opté pour un butaï (castelet qui contient les planches illustrées) au format A2 au lieu du format A3 (standard), car il m'arrivait de raconter pour des jauges qui dépassaient 40 personnes. Il fallait donc que les illustrations soient visibles au-delà d'un cercle de lecture

 

Butaï au format A2

 

La séquence de dessins et la rencontre avec le public.

 

Le plus souvent une histoire en kamishibaï est lue par le narrateur ou la narratrice. Pour ma part, je les conte. Je prévoyais donc de privilégier la partie contée (le corps en action) par rapport à celle du défilement des planches. C'est de ce parti pris, que j'ai abordé la question de la réalisation des séquences de mes histoires. Comme la partie contée allait être prépondérante, j'optais pour une ponctuation graphique réduite, par rapport au kamishibaï standard. C'est à dire : entre 3 à 4 planches, pour des récits très courts, des fables par exemple, et entre 4 et 6 planches pour des contes merveilleux. Au fur à mesure de mes rencontres avec le public, j'ai réalisé que le kamshibaï  séduisait autant les enfants que les adultes et qu'il était une porte ouverte à l'interprétation et à la créativité de chacun.

 

 

Les ateliers créatifs

 

A partir de 2014, je proposais, en parallèle aux spectacles de kamishibaï, des ateliers créatifs autour du récit et du dessin. Les premiers ateliers que j'ai animés consistaient à faire réaliser une séquence dessinée, par exemple des leporello. Je demandais aux participants d'illustrer une histoire que je leur racontais, ou d'inventer leur propre récit. J'ai rapidement réalisé que les enfants, à partir de 5/6 ans, étaient très à l'aise dans la création d'une histoire en la dessinant.

En 2015, je désirais proposer des ateliers spécifiques sur le kamishibaï : invention d'un récit, séquençage, création graphique et narration. Pour cela, je souhaitais que chaque enfant ait son propre butaï. Le format A3 n'était pas adapté pour cette approche. De là, est née l'idée de faire fabriquer, en carton et en série, des butaï au format A5. J'ai créé un prototype que j'ai présenté à Polyval, une industrie à vocation sociale, à Cheseaux-sur-Lausanne. Cette dernière dispose d'un secteur cartonnage. Suite à cela est né un butaï en carton au format A5, qui est édité sous le nom de butaï Khépri, produit en série.

 

Le butaï Képri A5, en carton

Le format A5 est facilement maniable pour un enfant, qu'il s'agisse de la création d'une séquence ou de la narration d'une histoire. Il permet d'initier aisément et de manière ludique le processus créatif du kamishibaï. Il a l'avantage d'être plus économique par rapport au butaï en bois A3*. Il est ainsi envisageable de fournir à chaque élève son propre butaï.

 

Une élève au travail avec son butaï A5

 

En 2015, j’ai initié, dans le cadre des activités culturelles de la ville de Lausanne, des animations « Kamishibaï », dans des classes de la 3ème  à la 5ème primaire.. Dans un premier temps, j’ai raconté aux élèves un conte avec le kamishibaï. Ensuite, j’ai distribué à chacun d'eux un mini-butaï et les ai invités à inventer un récit en le dessinant directement. A la fin de mon animation, qui durait deux périodes de 45 minutes, chaque élève avait pratiquement inventé une histoire et terminé sa séquence de dessin.

Suite à mon passage dans une classe de 3P, l'enseignante a décidé de continuer ce travail, en donnant le thème du « kamishibaï » comme projet de français, pour le deuxième semestre. Initialement, les élèves ont tous terminé leur séquence de dessin A5. Par la suite, ils ont écrit le texte en lien avec chaque image et ont fini par raconter leur histoire devant la classe.

 

Présentation aux autres élèves

 

Forte de cette expérience, l'enseignante a formé des groupes de 3 à 4 élèves pour la création de récits pour kamishibaï, au format A3. Chaque groupe devait inventer une histoire sur une thématique donnée et collaborer pour la réalisation des planches, le but étant de présenter leurs créations pour une soirée des parents, en fin d'année.

Dans ce cas, le mini-butaï a permis à chaque élève de s'initier à l'ensemble du processus créatif du kamishibaï., cela en abordant les différentes pratiques associées comme : le dessin, l'invention d'un récit, l'écriture et l'expression orale. Ceci a aidé à la création d'un récit pour kamishibaï au format A3, à plusieurs. Cette expérience fut très riche et très complète. Ces différentes pratiques ont permis aux élèves de développer leurs capacités transversales, telles que la pensée créatrice avec l'invention d'un récit, la démarche réflexive en articulant plusieurs apprentissages, la collaboration en créant à plusieurs et la communication orale en racontant à un public.

Les approches peuvent être très variées, ainsi que les thèmes et les techniques abordés. Il est possible de travailler le conte traditionnel, d'inventer de nouvelles histoires ou de présenter un exposé en classe : histoire, biologie, géographie etc. Il est envisageable de varier les médiums en utilisant des photos au lieu de dessins ou d'avoir recours à la technique du collage.

Le mini-butaï donne la liberté à chaque enseignant de l'interpréter de manière personnelle et créative, selon les buts pédagogiques poursuivis. Il permet de créer des interactions variées en classe, par exemple : la création de petits groupes d'enfants où chacun raconte, à tour de rôle, un récit aux autres camarades. Il présente l'avantage d'être facilement transportable de l'école à la maison, ce qui peut créer d'intéressants partages en famille. Néanmoins, le format A5 ne remplace pas le format standard : les deux sont complémentaires, comme le suggère l'exemple plus haut. Il peut devenir un tremplin pour des projets pédagogiques qui auront comme finalité une présentation au grand format.

Depuis que je dispose du butaï Khépri, j'anime régulièrement des ateliers mini kamishibaï. Je propose deux formules différentes : l'atelier pour enfant et des ateliers collaboratifs parent/enfant. Il arrive que des enseignants ou des thérapeutes me commandent des butaï Khépri pour leur propre travail. De ce projet, sont nées les Éditions Khépri, avec lesquelles ont été publiés trois récits pour kamishibaï au format A5 : « Le Petit Chaperon Rouge » en 2016, « Les Aventures de Pinocchio » en 2017 » et un album illustré « Colapesce l'homme-poisson » en 2020.

Avec le butaï Khépri et mes différentes activités, je souhaite faire connaître l'art du kamishibaï au grand public, qui demeure l'apanage des milieux spécialisés. Je cherche à tisser des liens avec d'autres enseignants, artistes et thérapeutes qui s'intéressent à ce dispositif, afin de partager nos expériences communes, dans le but de donner une majeure visibilité au kamishibaï qui offre de vastes possibilités pédagogiques et créatives.

 

Atelier mini kamishibaï parent/enfant

 

 

Par David Telese, www.davidtelese.ch, www.editionskhepri.ch

Chronique publiée le 16 novembre 2020

 

 

* Prix du butaï khépri

1 butaï  : Fr. 21.-  (avec une histoire + un mode d'emploi + 7 feuilles blanches)

A partir de 10 ex. :  Fr. 12,50 à l'unité (avec 7 feuilles blanches)

A partir de 15 ex. : Fr. 11,90 à l'unité  (avec 7 feuilles blanches)