Rencontre avec Christine Pompéï

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A l’occasion de l’édition 2019 de la Bataille des Livres, l’Unité de Recherche et d’Enseignement en Didactique du français de la HEP-Vaud a invité, sous l’impulsion de Claude Burdet et dans le cadre d’un séminaire de dernière année de formation initiale, un certain nombre d’écrivains jeunesse.

Voie Livres est parti à la rencontre de l’une d’eux, Christine Pompéï, auteure phare en Suisse romande avec sa série des « Enquêtes de Maëlys », pour l’interroger sur son travail de création et sur la place de la littérature jeunesse dans l’enseignement.

Voie Livres : Votre dernier opus (le… 18ème !) est intitulé Vendanges en Lavaux : la tenue de la fête des Vignerons vous a-t-elle inspirée ?

Christine Pompéï : Cela faisait un moment que j’avais envie d’écrire une enquête qui se passe au cœur des vignes en pleine période de vendanges. Tout est parti d’une promenade à bord du Lavaux Express en famille un week-end… Il faisait un temps magnifique, la vue était à couper le souffle, le raisin délicieux. Maëlys et Lucien devaient voir ça !😉 J’ai écrit l’histoire en 2018. Le livre est sorti en 2019, l’année de la fête des Vignerons. J’en avais bien sûr entendu parler et je m’étais documentée sur les anciennes fêtes. Mais je n’y avais encore jamais participé ! C’est incroyable ! Et quelle effervescence dans les rues de Vevey !

VL : Il est connu que vous avez d’abord commencé à écrire à l’adresse de vos filles. Le récit de votre collaboration avec Raphaëlle Barbanègre, l’illustratrice aux dessins désormais si reconnaissables, est moins abordé : ce dialogue sort pourtant du cadre romand et même helvétique ! Racontez-nous l’histoire et les modalités de cette collaboration.

CP : Je ne connaissais pas Raphaëlle quand j’ai écrit la première enquête de Maëlys. C’est l’éditrice qui l’a découverte. Elle a demandé à plusieurs illustrateurs de faire des essais et quand elle a vu les crayonnés de Maëlys et Lucien réalisés par Raphaëlle, elle a craqué ! Et moi aussi ! Je pensais que Raphaëlle vivait en Suisse. Quand l’éditrice m’a dit qu’elle vivait au Canada, au début j’ai eu peur. Mais très vite, j’ai été rassurée et enthousiasmée par notre collaboration. Raphaëlle a tout de suite saisi l’esprit des enquêtes de Maëlys. Ses illustrations collent parfaitement aux personnages. Concrètement, cela se passe comme ça : elle reçoit le texte et je lui envoie les photos que j’ai prises sur les lieux de l’enquête avec aussi quelques liens. Et à partir de cela, elle concocte des dessins avec sa fantastique palette de couleurs et son imagination débordante. J’adore les découvrir. Il y a toujours des petits détails qui me surprennent et m’amusent. Même si on est loin, on communique pas mal par mail et par Skype. Et puis bien sûr, j’apprécie vraiment quand elle vient en Suisse et qu’on peut faire un salon et des dédicaces ensemble. Elle est venue au salon du livre de Genève et aussi au Livre sur les quais. J’aimerais bien qu’elle revienne et qu’on puisse s’organiser un petit tour de Suisse ensemble sur les traces de Maëlys et Lucien.

© Patrick Meylan / 24 Heures

 

VL : Parlez-nous de votre travail d’écriture. Vous habitez la Suisse depuis un certain temps mais comment connaître des sujets locaux aussi variés ? Menez-vous aussi vos « enquêtes » ? Dans l’écriture, n’êtes-vous pas un peu Maëlys ?

CP : J’habite en Suisse depuis 1999 et je suis devenue Suissesse le 26 juin dernier. Une grande joie pour moi. Mon travail d’écriture, c’est un peu une aventure familiale. J’ai commencé à écrire ma première enquête en 2012. Mes filles Maëlys et Annélia avaient à l’époque 8 et 6 ans. Maëlys n’aimait pas lire. Je voulais lui écrire une histoire qui lui donne le déclic en lecture. J’ai imaginé une histoire qui se passe dans un endroit qu’elle connaissait. On a passé la semaine à se promener dans Lausanne et chaque soir j’écrivais un chapitre. Evidemment, je n’imaginais pas alors faire une série. Sinon j’aurais aussi mis Annélia sa sœur dès le début dans les histoires.

J’écris les tomes en fonction de ce que nous faisons le week-end et en vacances. Chaque sortie peut être un prétexte à une nouvelle enquête. Cela dépend de mon inspiration sur les lieux. Le tome 19 « Grands frissons à la Brévine » est né après une journée à la fête du froid l’hiver dernier à la Brévine. Et quand j’écris, je m’imagine tour à tour en Maëlys, en Lucien ou aussi en Annélia. Ça me rajeunit et ça me fait du bien. J’essaie toujours de me mettre à la place des enfants, d’imaginer ce qu’ils verraient, ce qui leur plairait. C’est comme un jeu.

VL : Vous vous rendez très régulièrement dans les classes en Suisse romande, où vos livres connaissent un vif succès. Que vous disent généralement les élèves ? Y a-t-il une anecdote que vous trouvez significative et que vous nous partageriez ?

CP : Les élèves me disent qu’ils adorent Maëlys et Lucien et qu’ils espèrent que je vais continuer à leur écrire encore plein de nouvelles aventures. Ils me posent plein de questions sur le métier d’auteur, me demandent des conseils pour écrire des histoires. Je leur donne « ma » recette. Et souvent après ma visite, je reçois des histoires chez moi que je lis avec beaucoup de plaisir. Je reçois aussi souvent des lettres et des cartes avec des idées pour mes futurs livres. Souvent les enfants me racontent qu’ils ont demandé à leurs parents de les emmener au Château de Chillon ou à Lucerne sur les traces de Maëlys et Lucien. Je trouve cela formidable que ce soit les enfants qui emmènent leurs parents visiter la Suisse.

VL : Vos livres suscitent aussi un grand intérêt de la part des enseignant·e·s. Pouvez-vous partager ici un projet mis sur pied dans une classe qui vous a particulièrement touché ?

CP : Je suis toujours très impressionnée par le travail des enseignants et admirative des projets dans lesquels ils se lancent. Je reçois souvent des histoires illustrées sur le modèle des enquêtes de Maëlys. J’ai aussi reçu une fois une maquette géante du cirque de « Sabotage au cirque de Payerne » ainsi que deux classeurs entiers réalisés par une classe. Il s’agissait d’un projet école-famille. L’enseignant, Gaël, avait demandé à chaque famille de lire tout au long de l’année 12 enquêtes de Maëlys. La lecture devait être familiale. Et à la fin de la lecture, la famille devait réaliser un dessin commun et noter une phrase « J’ai aimé ce livre ou je n’ai pas aimé ce livre parce que… » Je me suis dit que les parents allaient me détester. L’enseignant m’a invitée à la fin de l’année pour une rencontre avec la classe et les parents. C’était magique ! Certains m’ont avoué que parfois c’était dur. Mais finalement, toutes les familles ont joué le jeu et rivalisé d’inventivité dans leurs dessins. Certains m’ont même dit qu’ils avaient poursuivi ces lectures familiales après.

 

Chronique publiée le 2 septembre 2019

Entretien réalisé par Vincent Capt, Chargé d’enseignement à l’UER Didactique du français, vincent.capt@hepl.ch