Les écoles vaudoises accueillent de plus en plus d’élèves issu·e·s de la migration. La reconnaissance de l’altérité et le travail autour du respect mutuel sont des objectifs du volet « Formation générale » du Plan d’Études Romand. La lecture est un élément indissociable de l’école. Voici quelques propositions pour travailler conjointement ces trois aspects en classe régulière.
Certes, l’arrivée de ces nombreux et nombreuses élèves constitue un grand défi pour l’école vaudoise et ce que ce soit sur le plan administratif ou sur le plan pédagogique1. Néanmoins, cette arrivée constitue également une opportunité d’échanger concrètement en classe autour de la reconnaissance de l’altérité et du respect mutuel en abordant la migration, le voyage, les différences et les points communs, l’appartenance à un groupe, la discrimination et les émotions. Il est possible d’amorcer ces discussions de plusieurs façons par le biais d’images, de questionnements, de ressources, des nouveaux moyens d’enseignement romands pour le français…
Dans cet article, j’ai décidé de vous présenter quatre albums jeunesse qui peuvent être utilisés en classe régulière pour aborder cette thématique. Les quatre demi-cycles sont représentés : 1-2P, 3-4P, 5-6P et 7-8P. A chaque album, je propose des activités à mener avec la classe avant, pendant et après la lecture.
Bonogong ! de Moog et Dwiggy
Bonogong!, Moog et Dwiggy © Helvetiq, 2022
C’est l’histoire de deux tatous qui vivent paisiblement dans une forêt grisâtre au rythme de leurs instruments. Au fil des pages, des intrus colorés surgissent et chamboulent les deux tatous dans leurs vieilles habitudes. Comment vont-ils réagir ? Ce théâtre de papier découpé mis en scène et photographié est une histoire musicale qui aborde l’ouverture au monde et l’acceptation de l’autre avec ses habitudes, ses traditions et ses coutumes.
Il est possible d’exploiter cette histoire en 1-2P de la façon suivante :
– Au début de l’histoire, faire remarquer aux élèves les couleurs présentes sur les images. Puis, avec l’arrivée de chaque animal, travailler la couleur qu’il apporte à l’image. Parler de la couleur blanche uniforme lorsque les deux êtres humains apparaissent et observer les couleurs de la dernière illustration. À la fin de l’histoire, échanger ensemble à propos de l’arrivée de toutes les couleurs dans un environnement monotone et uniforme.
– Après la lecture, présenter les différents instruments de l’histoire, les écouter et faire remarquer aux élèves ce que l’instrument de chaque animal apporte à la mélodie. Évoquer la richesse et la diversité. En prolongement, il est possible de présenter d’autres instruments provenant du monde entier.
– Après la lecture, discuter avec les élèves des réactions des tatous, de l’homme et des autres animaux. Leur proposer de réfléchir à ce qu’iels font lorsqu’un nouveau ou une nouvelle camarade arrive à l’école. Aborder les motifs de leurs réactions. Imaginer les différentes réactions de la femme à la fin du récit, ainsi que la suite de l’histoire en fonction de celles-ci.
La valise, de Chris Naylor-Ballesteros
La valise, Chris Naylor-Ballesteros © L'Ecole des loisirs, 2019
C’est l’histoire d’un drôle d’animal qui arrive un jour couvert de poussière, triste, effrayé et fatigué en portant à la main une grosse valise. Que fait-il ici ? D’où vient-il ? Qu’y a-t-il dans sa valise ?
Il est possible d’exploiter cette histoire en 3-4P de la façon suivante :
– Avant la lecture, demander aux élèves à quoi sert une valise, à quel moment l’utilise-t-on. Leur demander d’écrire ou de dessiner ce qu’iels mettent dans leur valise. Aborder à ce moment-là la notion de déménagement et de changement de pays. Est-ce que l’on met les mêmes affaires dans notre valise pour des vacances ou lors d’un déménagement ?
– Pendant la lecture, aborder la notion de migration en parlant de la différence entre un déménagement choisi, organisé et prévu et un départ précipité.
– Après la lecture, échanger avec les élèves sur les émotions ressenties par les différents personnages de l’histoire. Discuter à propos des raisons qui ont poussé les animaux à fouiller la valise puis à créer le cadeau.
Mademoiselle Ourse, de David Walliams et Tony Ross
Mademoiselle Ourse, David Walliams et Tony Ross © Albin Michel Jeunesse, 2018
C’est l’histoire d’une ourse polaire qui se retrouve, après un dangereux périple, sur une île peuplée d’ours bruns. Ceux-ci, effrayés par son pelage blanc, la prennent pour un monstre. Comment va-t-elle réussir à les convaincre qu’elle n’est pas un monstre ?
Il est possible d’exploiter cette histoire en 5-6P de la façon suivante :
– Avant la lecture, demander aux élèves quelles sont les caractéristiques des ours polaires et des ours bruns : quelles sont leurs différences et quels sont leurs points communs ? Il est possible d’intégrer cette activité dans une leçon de français (lecture de texte documentaire) ou de sciences (diversité du vivant).
– Pendant la lecture, avant le texte « Les choses n’auraient pas pu être pires. Ah non ? Mais si, bien pires », interroger les élèves sur les sentiments que l’ourse polaire peut ressentir à ce moment-là.
– Après la lecture, discuter avec les élèves des raisons qui poussent les ours bruns à traiter l’ourse polaire de « monstre bizarre ». Aborder la peur de l’autre et de sa différence et de ce que cette peur peut nous pousser à faire. Échanger également sur le moment où les ours bruns découvrent que l’ourse polaire est aussi une ourse, mais d’une autre couleur. Transposer aux êtres humains et à ce qui nous rassemble au-delà de nos différences.
Partir au-délà des frontières, de Francesca Sanna
Partir au-delà des frontières, Francesca Sanna © Gallimard Jeunesse, 2018
C’est l’histoire d’une petite fille, de sa maman et de son frère, forcés de quitter leur pays pour fuir la guerre. C’est une histoire puissante racontée à la première personne avec des illustrations qui évoquent la peur, le voyage forcé, l’imagination débordante des enfants et l’amour d’une mère.
Il est possible d’exploiter cette histoire en 7-8P de la façon suivante :
– Avant la lecture, demander aux élèves ce qu’iels savent sur la migration, les raisons pour lesquelles des personnes décident de migrer et ce que cela représente (parcours prémigratoire, périmigratoire et postmigratoire).
– Pendant la lecture, soigner les pauses pour que les élèves puissent observer les illustrations et les couleurs choisies. Ne pas hésiter à écouter les réactions des élèves et à les accompagner dans la compréhension des événements.
– Après la lecture, accueillir les commentaires des élèves et leurs sentiments. Leur faire remarquer que les enfants de l’histoire ne sont pas fatalistes et qu’iels utilisent leur imaginaire enfantin pour échapper à la réalité. Pour finir par une note optimiste et positive, proposer aux élèves, lors d’une leçon d’AVI, leur proposer d’imaginer et de dessiner la maison bien à l’abri dont parle la petite fille à la fin de l’histoire.
À la suite de ces moments de lecture et de réflexion autour de la migration, il est possible de ramener la discussion au contexte des élèves. Il est important de préciser aux élèves qu’iels ne sont pas responsables des motifs de migration de leurs camarades de classe, qu’iels ne peuvent pas modifier les parcours migratoires et ce que leurs camarades ont vécu durant le voyage ; mais qu’iels peuvent agir pour les accueillir au mieux dans l’école et les aider à se sentir bien dans la classe. Demander aux élèves quelles actions iels peuvent entreprendre, pourquoi celles-ci sont importantes et pourquoi celles-ci peuvent avoir un impact positif dans l’inclusion des élèves issu·e·s de la migration. Par la suite, il est possible de lister les actions proposées par les élèves et d’en faire une affiche.
Il est évident que la migration n’est pas une thématique facile à aborder à l’école. Toutefois, elle fait partie de la réalité et de l’actualité auxquelles sont confronté·e·s, de près ou de loin, nos élèves. Il est nécessaire de mettre des mots autour de cette crise migratoire et d’en parler avec les élèves des classes régulières. La littérature jeunesse nous semblait une façon d’amener cette discussion dans la classe avec un peu de douceur et de légèreté.
Yasmina Guye, enseignante de français langue seconde, yasmina.guye@edu-vd.ch
Une version de cette chronique a été initialement publiée dans Majuscules, le journal de la SPV, no 148, novembre 2023, p. 2-3.
https://spv-vd.ch/wp-content/uploads/2024/08/majuscules148..pdf