La littérature jeunesse dans les nouveaux moyens d’enseignement romands ? C’est la bibliothèque cantonale et universitaire [BCU], sur le site de la HEP Vaud, qui en parle le mieux !

Claire Detcheverry : Oui, c'est une façon de développer une culture littéraire et éditoriale, d'inscrire les parcours dans un réseau littéraire et éditorial élargi, de mettre en réseau des objectifs d'apprentissage et des genres éditoriaux. On résout un paradoxe, d'ailleurs je crois : lorsque les moyens d'enseignement sont accueillis par les enseignant·es, beaucoup disent qu’il n'y a pas assez d'albums de littérature jeunesse. Pourtant fournir les classes de tout un corpus d'ouvrages de littérature jeunesse, avec les moyens d'enseignement, c'est prendre le risque de la lassitude et de l'instrumentalisation de la littérature jeunesse. On créerait le contraire de ce que l’on vise : la faire vivre dans les classes.

En sélectionnant quelques ouvrages financés et mis à disposition tout en proposant des bibliographies riches et évolutives, les enseignant·es ont la liberté d’élargir leur fonds en fonction des dernières parutions et d’activer des liens avec l'édition jeunesse.

C’est très frappant quand on voit l'exposition : ce réseau éditorial, que tu as rendu tellement visible, est extrêmement dense d'ouvrages jeunesse, il saute aux yeux et aide remarquablement à envisager tout ce que l’on peut faire à partir d’un parcours. L’exposition rend tangible quelque chose qui ne l’est pas sur le portail.

Delphine Rod :  C'est vrai que c'est quelque chose qui nous a sauté aux yeux lorsqu’on a préparé l’exposition. Au début, c'était assez abstrait et parfois théorique. Mais finalement, on se rend compte qu'il n'y a pas beaucoup d’ouvrages théoriques. L'enseignant·e et l'élève entrent vraiment dans le projet en étant accompagné·es par la littérature jeunesse. On perçoit vite les découvertes que l’enfant va faire, accompagné par l'adulte.

Claire Detcheverry : T’attendais-tu à la variété des genres de textes représentés dans les parcours, les textes qui racontent, qui argumentent, etc … ? As-tu été surprise par les types d'ouvrages qui étaient en lien avec des genres de textes précis ?

Delphine Rod : J’ai trouvé ça assez incroyable. Je me suis rappelé ce qu’on appelait « le français 1 et le français 2 » dans les années 1980, sans véritable lien possible. Cette frontière est beaucoup plus fluide. Je trouve que la variété entre les genres scolaires et les pratiques sociales, c’est assez chouette.

Claire Detcheverry : Parmi les nombreux ouvrages que tu as collectés, par exemple autour du conte de randonnée, de la recette, de l'audioguide, du commentaire d'œuvres d’art, etc.., as-tu fait des découvertes et eu envie d'associer d’autres ouvrages que ceux déjà proposées par les moyens d'enseignement ?

Delphine Rod : Je dois dire que l'audioguide est très innovant, voire audacieux. Je trouve assez génial de partir d'une idée simple, la porte, objet que l’on voit tous les jours et d'en faire tout un projet, une description. L'œuvre d'art commentée, ça m'aurait aussi bien plu de le faire ! La recette de cuisine, aussi. On sort des sentiers battus. Cela nous permet de chercher et découvrir des ouvrages auxquels on n'aurait peut-être pas pensé. En tout cas, au niveau des acquisitions à la bibliothèque, on s'est éclaté. Par exemple, les albums sans texte, c'est un univers incroyable. On en propose beaucoup plus aux étudiant·es. Au départ, ils ont peur de ne pas savoir quoi en faire. C'est tout un processus d'apprentissage. C'est important qu’ils aient l’occasion de passer ce cap, comme nous l’avons fait.

Claire Detcheverry : As-tu eu des coups de cœur en manipulant tous ces ouvrages pour installer l’exposition ?

Delphine Rod : L’album Si jamais. C'est un album un peu surréaliste. Puis Occupé. C’est un livre cartonné, vraiment très sympa pour entrer dans la littérature, avec un loup qui ne sort pas des toilettes parce qu'il lit. Il s’en passe des choses autour de cette porte : les trois petits cochons et le chaperon rouge sont effrayés par le loup qui ne faisait que lire mais ne se cachait pas. Ce qui est mis en réseau est complètement inédit autour de l'objet porte.